jeudi, 28 octobre 2010 00:00

La médecine est un métier à risques, mais surtout pour le malade…Ou, pourquoi je hais les blogs ?

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La médecine est un métier à risques, mais surtout pour le malade…Ou, pourquoi je hais les blogs ?

A mes débuts, je pensais que la médecine pouvait évoluer comme je la rêvais. La maturité et l’assurance aidant j’ai pensé pouvoir faire évoluer la médecine comme je l’avais rêvée. Aujourd’hui qu’est je pense ? Que suis-je encore capable de penser, sans que cette chronique devienne un déversoir de tous mes rêves oubliés, écrasés et déformés ? Que suis-je encore capable de dire sans que mon propos devienne un long persiflement de vieux médecin précocement sénile devant le changement de paradigme de la médecine ?

Ma jeunesse je ne la regrette pas, mais quelle analyse je donnerais lucidement de ces années à batailler contre la mauvaise foi des caisses, les errements syndicalistes, les sirènes politiques et les egos surdimensionnés de nos con-frères (la confraternité cette vieille haine vigilante !...).

 

Eh bien justement qu’il faut rester vigilants ! J’ai utilisé des molécules dont j’avais lu la grande inutilité dans des revues pertinentes.

J’ai appris à faire le tri, des magazines scientifiques. J’ai suivi des colloques de thérapeutique, de médecine basée sur les preuves et autres évaluation de mes pratiques. Mais Dieu qu’il est toujours plus facile de nager dans le sens du courant.

Si je me résumais je dirais que je ne suis jamais resté assez scientifique et je n’ai jamais assez écouté les patients (les « patients » nos clients si patients !!).

Pas assez scientifique car mon bagage me permettrait au prix d’une discipline et d’une organisation plus vigilante de toujours fournir à nos patients poly pathologiques et poly médicamentés l’optimisation de leur traitement.

Combien de ces vieux diabétiques, à la fonction rénale altérée reviennent de la consultation cardiologique avec une prescription de Molsidonine® qui se rajoute en quatrième ou cinquième prescription. Combien de patients porteurs de rétinopathie dégénérative post diabétique ou hypertendues reviennent de la consultation d’ophtalmologie avec une prescription de Trimétazidine®. Combien de fois me suis-je révolté ? Combien de fois ai-je appelé le confrère ?

Plus souvent le lundi que le samedi midi, si je reste lucide !

Ah l’écoute attentive du symptôme, de ces petites douleurs ou de ces petits signes qui reviennent obstinément jusqu’à nous apparaître comme l’évidence même. Cette douleur rapportée à l’épaule. Cette anorexie élective, sans perte de poids apparente, cette infection cutanée atypique qui se révèle des semaines plus tard être un syndrome para néoplasiques.

Comptez le nombre de congrès qui vous proposent des thèmes sur la revalorisation de l’examen clinique par rapport aux batteries de tests et d’imagerie qui viennent se superposer sans avoir acquis la validité nécessaire à tout examen diagnostique.

Je vous avais prévenu, mon propos ne se voulait pas sarcastique, mais plutôt dubitatif sur ce qui nous attend. Il y a quarante ans une réforme courageuse et pertinente changeait la donne de l’approche médicale en France.

Sommes-nous à la fin d’un paradigme médical ? Je le crois objectivement nécessaire. Avons-nous commencé à changer ? Surement pas.

Qui peut être à l’origine d’une telle réforme ?

Je n’ai pas la réponse, mais je constate que l’événementiel a envahi la médecine et que l’industrie choisit elle-même les orateurs dans les symposiums,

Je constate que les associations qui cherchent à conserver leur indépendance sont souvent obligées d’attendre des financements publics qui sont très inquisiteurs au regard des résultats attendus. Dans le même temps des « associations » mieux dotées par de riches et puissants sponsors, pharmaceutique pour être clairs, fleurissent via à internet ou à l’initiative de sociétés savantes dont l’indépendance de financement est très trouble.

La nouvelle loi dite Hôpitaux, patients, santé et territoires fait la part belle aux associations d’usagers dans les commissions des nouvelles agences sanitaires. Voilà qui est bien.

En quoi est-ce inquiétant ?

Ce qui est inquiétant : c’est la création de cercles de malades, financés, appuyés et soutenus par des laboratoires pharmaceutiques. Tout cela sans constater un frémissement du Conseil national des médecins.

Si ! Ils ont bougé ? Ah oui !

Ça a du faire moins de vagues que le plouf du bouchon du labo-pêcheur sur l’étang de la déontologie.

Et, triste constat, la plus grande opposition ne vient pas des usagers de la santé, mais de nos con-frères le plus souvent experts (ex pairs ?) et qui balaient d’un revers de main dédaigneux tout ce qui ne vient pas de leur propre chapelle

Saviez vous que la commission indépendante de la Haute Autorité de Santé sur l’Alzheimer a été présidée par un professeur de médecine qui était expert pour un grand laboratoire pharmaceutique qui fabrique un anti cholinergique utilisé dans la maladie d’Alzheimer.

Comment ignorer la volonté de faire taire les lanceurs d’alertes, des esprits indépendants, les réseaux d’information qui mettent en pièces les recommandations bancales des "experts" sous influence ?

Saviez vous que lorsque Martin Winckler a eu le malheur de critiquer l’industrie pharmaceutique dans sa chronique à France-Inter, Jean-Luc Hees, qui l’a viré a passé à la place un droit de réponse du LEEM

Quel capharnaüm, mes amis quel capharnaüm!

Docteur Félix

Pcc Gilbert Potier

Nb : ceux qui ont le courage de lire ce billet d’humeur diront, pourquoi haïssez-vous les blogs ?

Je hais les blogs car je suis pour une médecine élitaire, mais pour tous !

J’aime citer ici une éditorial d’une association de formation médicale indépendante :

« (…) colère que les médecins soient, malgré les preuves et les faits qui abondent, encore dupes de ces manipulations dans leur immense majorité, s’y engouffrent avec naïveté et facilité, persistent à penser qu’ils sont à l’abri de ces influences grossières et qu’ils savent faire la part des choses, à la grande satisfaction des actionnaires des firmes et de leur service marketing.

Colère que des médecins "dealers" d’opinions, des soi-disant "sociétés savantes" de médecine servent de caution et de relais complaisants au blanchiment d’une promotion médicamenteuse en formation médicale, augmentant le brouillage de l’information pour les soignants, accroissant le risque de prescriptions inutiles, inappropriées, dangereuses pour les patients, coûteuses pour la collectivité.».

Le LEEM (Les Entreprises du Médicament), regroupe les entreprises du secteur de l'industrie pharmaceutique en France

Capharnaüm, est le mot de Google m’a proposé de substituer à bordel, un peu trivial, il est vrai… Capharnaüm ou Kefar Nahum était une ville de l'ancienne province de Galilée, sur la rive nord-ouest du lac de Tibériade. Son nom vient de l'hébreu ??? ???? Kfar (village) et Nahum (compassion, consolation).

Eh bien oui ce soir j’ai beaucoup de compassion pour le village médical dans lequel j’évolue…

Retrouvez l'intégralité de cette article : Pourquoi je hais les blogs

Lu 28390 fois Dernière modification le jeudi, 30 janvier 2020 09:40

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